Colloque International : La virilité et ses déclinaisons dans le théâtre de Sénèque et chez ses émules de Mussato à nos jours »

FOND_SITE_10.pngCe colloque a lieu  dans le cadre de la semaine du théâtre, initié en tant que projet d'établissement d'Aix Marseille Université, dont la chargée de mission est Corinne Flicker. Vous trouverez une présentation de la maison du théâtre à la suite de l'argumentaire du colloque.

FOND_SITE_10.pngL'argument

 

Sénèque est le seul poète tragique latin dont on possède des tragédies complètes (Hercule furieux, Les Troyennes, les Phéniciennes, Médée, Phèdre, Œdipe, Agamemnon, Thyeste, ainsi que Hercule sur l’Œta et l’Octavie qui lui ont été attribuées), qui furent redécouvertes par le maître padouan Lovato Lovati au XIIIe siècle. Fils de Sénèque le Rhéteur, Sénèque est aussi connu pour son œuvre philosophique considérable (trois Consolations, dix traités, l’Apocolocyntosis divi Claudii, lesfameuses Lettres à Lucilius).

Bien que traitant souvent les mêmes sujets mythologiques que les tragiques grecs, notamment Euripide, le dramaturge et philosophe latin, né à Cordoue au début de l’ère chrétienne (circa 1-avril 65) puis devenu précepteur du jeune Néron, adopte un style et une dramaturgie bien différents, influencés par le contexte culturel de l’Empire romain du 1er siècle de notre ère et par la philosophie stoïcienne dont il est un ardent promoteur.

Les particularités de son œuvre dramatique ont été depuis longtemps mises en relief par de multiples études universitaires dont certaines ont connu un grand retentissement comme celle de Florence Dupont sur les « monstres de Sénèque ». Lors de sa redécouverte, ses premiers émules, tel Albertino Mussato (Padoue, 1261-Chioggia, 31 mai 1329), ont retenu de son théâtre la réflexion morale et philosophique sur les dérives du pouvoir (tyrannie, royauté scélérate) et sur le comportement à adopter face à cette violence politique comme aux alea de l’existence humaine. De nombreux spécialistes du théâtre antique et moderne se sont intéressés à la réception du modèle sénéquien dans le théâtre européen, notamment pendant le regain qu’a connu le genre tragique entre le XIIIe siècle et le XVIIe siècle, d’abord en latin, puis en langues vernaculaires.

D’autre part, les recherches sur Sénèque et ses imitateurs ont porté essentiellement sur des aspects saillants, à la fois thématiques et dramatiques, en particulier l’horreur suscitée par les crimes contenus dans les intrigues tragiques, mais trop violents pour être montrés sur scène (question de la « bienséance »), la prépondérance de la rhétorique (critiquée dès l’Antiquité) dans l’expression du furor (déchaînement de folie et de violence) des protagonistes et de leurs autres passions, non moins dangereuses, la portée philosophique des pièces (d’un point de vue moral, religieux, politique). Même si actuellement les traités philosophiques de Sénèque sont plus connus du grand public que ses tragédies, son théâtre évoquant, sur le mode de la grandiloquence et de l’hyperbole, les limites de la nature humaine, ainsi que leurs transgressions de toute sorte dans les relations personnelles et sociales qui définissent tout être humain, inspire encore les metteurs en scène comme Thomas Jolly et continue de faire l’objet de recherches. Par ailleurs, depuis le début du XXe siècle au moins, les universitaires anglais, puis français et italiens, dans un second temps, ont montré qu’il était pertinent de parler d’un véritable modèle pour évoquer l’influence profonde et variée que le théâtre de Sénèque a exercée sur les dramaturges européens, depuis l’Ecerinis d’Albertino Mussato (auteur tragique du XIVe siècle et commentateur des tragédies de Sénèque) jusqu’à nos jours, en passant par la tragédie humaniste française, le théâtre de W. Shakespeare, de Calderón, de la Barca, de Corneille, mais aussi de V. Hugo, etc. Étant donné la profusion de la production scientifique sur Seneca tragicus et sa réception, nous proposons de renouveler le point de vue en adoptant le prisme très actuel des questions de genre. Celles-ci ayant été le plus souvent abordées sous l’angle de la féminité, il nous apparaît plus pertinent de les traiter par le biais des diverses déclinaisons de la virilité mises en avant dans ce large corpus dramatique. En outre, cette approche est un garde-fou contre d’éventuels anachronismes. En effet, le concept de virilité est fondamental dans la mentalité antique comme le prouve le réseau des termes latins construits sur la racine vir-/vis- désignant l’être humain masculin. La virilité, dans l’Antiquité comme plus tard, semble porteuse de valeurs ambivalentes, selon la manière dont elles sont pratiquées, bafouées ou caricaturées.

A partir de cette problématique générale, plusieurs axes de réflexion se dessinent :

1. Vir (l’être humain masculin) et virago (la femme forte ou guerrière) : la représentation du héros et de l’héroïne : quelles valeurs incarnent-ils ? Que nous révèlent leurs comportements sur leur psyché ? Comment définir la virilité selon les époques et les cultures dont les tragédies se font l’écho ?

2. Vis (la vigueur ; la force ; la violence) et violentia (le caractère emporté, la violence) : qui fait preuve de violence dans les tragédies de Sénèque et de ses émules ? Dans quel contexte, la vie privée, la vie publique ? La force implique le pouvoir, sur autrui, sur une société ; les tragédies évoquent presque toujours des relations de pouvoir. Quelles en sont les modalités ? Existe-t-il un usage juste et un usage injuste de la force ? Quels liens existe-t-il entre le pouvoir politique et la violence ?

3. Virtus (le caractère distinctif d’un être humain, la valeur, la vertu morale, le courage) : la virtus latine, la vertu française, la virtú italienne, etc. désignent-elles des qualités ou des travers chez les protagonistes pris dans le noeud tragique ? Quelle valeur attribuer à leur(s) action(s) ? Comment cette question est-elle abordée sous l’angle des études poétiques et esthétiques des pièces ? Comment se traduit-elle dans la structure des tragédies (ex. : répartition choeurs/dialogues ou autres), dans le schéma actantiel des pièces, dans le style etc ?

4. Quelles lectures psychanalytiques peut-on faire du théâtre de Sénèque et de ses successeurs en prenant pour point de départ la question de la virilité et de ses multiples déclinaisons ?

5. La pratique théâtrale : comment mettre en scène et jouer un théâtre de ce genre ? Face à des textes souvent abondants et très rhétoriques, comment le/la metteur.se en scène et les comédien.ne.s peuvent-ils rendre compte sur la scène de cette complexité et de tout ce qui reste implicite ? Ces pièces sont très statiques : comment leur insuffler concrètement le dynamisme auquel sont habitués les spectateurs du XXIe siècle ? Elles sont aussi parfois très violentes : comment traduire sur la scène les débordements et les excès ?

Comment distribuer les rôles en fonction des sexes et des caractères ?

 

QU'EST-CE QUE LA MAISON DU THEATRE ?

Le projet de la Maison du théâtre :

Projet phare d’Aix-Marseille Université, innovant et interdisciplinaire, la Maison du Théâtre a pour objectif d’assurer la synergie entre la formation et la recherche dans le domaine du théâtre afin d’en faire un secteur d’excellence de l’établissement. Elle repose sur l’articulation originale entre recherche et création, en lien avec les partenaires artistiques du territoire, et revêt un enjeu sociétal majeur.

La Maison du Théâtre d’Aix-Marseille Université est unique et inédite sur le territoire national. Elle a été rendue possible grâce à la richesse spécifique de sa région (Marseille 2e ville de France en nombre de lieux de théâtre et les Bouches-du-Rhône 1er Département hors région parisienne), ainsi que grâce au nombre exceptionnel de ses chercheurs, enseignants-chercheurs et enseignants dont au moins un axe de travail est en lien avec le domaine théâtral. Elle valorise les actions menées au sein des laboratoires d’AMU et génère de nouveaux projets. Elle a été validé le 24 juillet 2017 et la charge de mission Maison du Théâtre a été présentée le 24 octobre 2017 devant le CA d’AMU.

La Maison du Théâtre compte plus d’une cinquantaine de membres associés : chercheurs, enseignants-chercheurs et enseignants, répartis dans 14 laboratoires (CIELAM, LESA, LERMA, CAER, UMR IrAsia, ECHANGES, UMR TDMAM, UMR Centre Camille Jullian, UMR IMAF, LID2MS, UMR GREQAM, UMR PRISM, UMR ISM, ADEF), et 7 composantes (Faculté des Arts, Lettres, Langues et Sciences Humaines, Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Faculté de Droit et de Science Politique, Faculté d’Économie et de Gestion, Sciences, Faculté des Sciences du Sport, Ecole Supérieure du Professorat et de l’Éducation) dans une perspective interdisciplinaire forte : littéraires, historiens du théâtre, praticiens et esthéticiens du théâtre, traducteurs, archéologues, didacticiens, spécialistes du son et de l’image à la scène, spécialistes du mouvement à la scène, juristes, économistes, etc.

Les actions de recherche de la Maison du Théâtre ont un impact large sur le grand public : les Rencontres de la Maison du Théâtre, le Séminaire POTEAC (« Poétique et technique du jeu de l’acteur : patrimoines, innovation, mondialisation ») et la Semaine Internationale du Théâtre d’AMU, événement annuel récurrent.

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